Ce froid quand je rentre chez moi, dans mon cocon, dans ma maison !...
Des bris de verre, la lampe renversée, des objets emmêlés, brisés par terre, la chatte qui tourne, retourne.
Cambriolée je suis. Carambolée. Je ne suis pas triste. Je ne suis pas malheureuse. Je ne suis pas en colère. Je ne suis pas blessée. Je ne suis pas indignée. Je ne veux rien sentir, pas grave. Juste des biens matériels. Juste de la mécanique, du fric. Personne n'est mort. Pas grave.
Les gendarmes. Torche électrique. Une arme. Empreintes digitales. Déposition.
Quelle est ma liberté ?
Quelle leçon ?
Quel profit ?
J'aimerais le rencontrer. Discuter avec le voleur. Savoir si je le connais ! Lui demander plein de trucs, comment lui est venue l'idée ? a-t-il hésité ? a-t-il eu peur ? a-t-il eu envie ? comment ? depuis longtemps ?
On a bien été élevés à peu près de la même manière : ça ne se fait pas du tout de casser une porte vitrée, de passer la main à travers les bouts coupants pour ouvrir la clé, d'entrer dans une maison étrangère sans y avoir été invité, le chat miaule, de voler et de repartir chargé ! Il a osé. Est-il satisfait ? Regrette-t-il de ne pas s'être mieux servi ? Plus servi ? A-t-il été dérangé ? Est-ce qu'il m'aurait tuée ? A-t-il l'intention de revenir ? A-t-il mauvaise conscience ? Est-ce qu'il a goûté mon gâteau en passant ? mon whisky ? pas le temps ! Rigole-t-il ? Comment fait-il pour la TV sans la télécommande ?
Et l'ordi, va-t-il lire les messages de ma boîte mail ? Tous mes messages ? Va-t-il rire de mes photos ? Mes photos perdues. Toutes mes photos.
Il me déteste ? Il me méprise ? Il m'ignore ?
Il s'en fout ?
Voleur – oui une voleuse aurait trifouillé dans mes cosmétiques éthiques et mes colifichets ethniks – si, si, dans cette maison il y a quelqu'un qui vit, c'est moi, quand nous serons morts, tu me raconteras, dis ?
Une dérobade > tohu bohu, 18 janvier 2011.
Une dérobade !
Joli titre. Joli jeu de mots. On se dérobe face à celui qui nous dérobe.
La confrontation directe à l'altérité ressemble à celle des aimants. S'attirent ou se repoussent. Ou bien se tiennent à distance (j'ai tenté de décrire ailleurs cette expérience).
Ce petit texte nous en montre beaucoup sur la violence, en dépit de l'écran de fumée de la culpabilité (de la victime !). Il y a le combat de "quelqu'un qui vit" face au déni de ses valeurs, le combat d'un sujet pour sa survie face à ce vide surgi devant soi, et finalement son acte d'existence ("tu me raconteras, dis...") dans la parole adressée à l'autre.
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