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Gilbert Gratiant


Dépi man ti-man-maille cé pluss ain-min fleù
Pace fleù cé an jadin yo pöté lan-méson
Man plein suspension-a épi séphanotis
Gadé con ça joli :
Trois clochettes hibiscus
Ven-a ka balancé con ti cloche la folie
mélé épi guirlande du zhebb grasse argenté.

L'heù man lévé bon matin-a
Dépi chan-m-la man téja ouè
Soleil-la rouge con sang
Qui té cléré tout neuf, tout matadö
Lott bô la Martinique
Dé-ï-è lan mè, dé-ï-è rhaziè, dé-ï-è chan-can-n
Dé-ï-è an grand désodd du toutt möne en l'ai möne
Oti, rhô passé toutt
Mi la Montagne Vauclin
Pareil an grand chapeau gendamm
Mé an chapeau satin violett.
Man seul dans galrie-a
Man seul épi moin-min-m
Cé grand carreau blan-a ka fai an bel dan-mié
Quand yo croisé à tè épi carreau nouè-a.
La vie-a douce
La vie-a bel bon matin-a
Colibri ka suspen-n bô jasmin d'Arabie
Man ka ten-n an pian-no qui loin
Dans an villa
Tout faib, tout douce
Ça ka sen-m an bel-ai
Ça ka sen-m an romance
Chanson longtemps

An la riviè dleau clai ka coulé adan roche
Là man söti baingnin en bas an touffe bambou
Toutt moun pati
Man seul épi moin-min-m
Balancé dans berceuse cé plaisir l'innocence
En-nous songé qui moune té lé moin apré bal
En-nous songé qui moune té bô moin hiè au souè.

An vent fré ka lévé
I söti böd-lan-mè
A föce joué épi feuille i appren-n chanson yo
I passé dans savan-n, i ni lodeù gouyave
Dépi en bas möne-la i senti man té là
I juss rété musé bô an pied suringa
Pou couvé moin épi lodeù man pluss ain-m
Funett-la grand rouvè
Ven-a, vini chè
Vini di-moin bonjou
Ou cé an lamoureux qui pa ni jalousie
Ou peu caressé moin, man ni an göle batiss,
Boucl chuveu-moin défait, vini joué adan yo
Lan-main-ou press aussi douce qu-u lan-main souvenir
Man sé peu couè ou ja con-naitt toutt sucré moin
A föce nou ja palé ensen-m
A föce ou ja dömi bô moin
Quand man trop chaud
Loss an chumise à jou pa min-m assez légè.
Avant ou pati
Souplé métté ti-brin la frécheù dans caill-la
L'heù-ou passé an-ni frôlé
Mab-la oti Florence posé
En travè en funett
Plein soleil, plein lombrage
Trois carafe la Poterie épi siss vè cristal.
An branch bougainvillier sôti vérandah-a
Con an "voleù d'amour" i passé pa pèssien-n
Mé bel fleù curieuse-la pa peu prend-moin a-ï-en.
Ça dou quand on peu di :
– Man pa ni pièce la pein-n
Pièce gran la pein-n adan tchieù-moin
Mé mansé peu sérré an ti chagrin
Dan lan main-moin
Con an zouézo yo prend la glu
Qui lé volé.

Toutt frécheù grand bain-a man prend bon matin
Ka balancé épi moin-min-m dans berceuse-la,
ka vlopé moin
Considéré an la frécheùqui sésuspen-n
En l'ai an sorbet pon-m-du-liane.
Man ka chanté tout longg an chanson ti-man-maille
Malgré man ja passé lâge man-maille ka joué zouell.
Toutt moun ka di man bel,
Juss glace-moin dan chan-m-la
(Bô an couche oti man trop seul lan nuitt zéclai)
Qui content
Joli ti man-m-zell-la loss man ka fai-ï zieu-doux.
Man ka di nom an moun man sé lé-ï songé moin
Pesson-n pa ten-n a-ï-en
Mé man save i doué save...
Man lagghié sandal-moin assou carreau fouètt-la
Jan-m-moin nu, pied-moin nu,
Pied-moin qui ka posé
Pa si fö pou-ï bléssé an papillon à tè,
Assez fö pou-ï bercé rêve-moin dans berceuse-la.

Fab' Compè Zicaque, 1958 et (© Emile Desormeaux, Fort-de-France, 1976 pour mon édition).



Depuis que je suis petite, j'adore les fleurs. Les fleurs, c'est un jardin que tu portes dans la maison. J'ai entièrement garni la suspension de stéphanotis, regarde comme c'est beau : trois clochettes d'hibiscus qui se balancent au vent comme des petits grelots de fous, mêlés aux guirlandes de l'herbe d'argent.
Ce matin levée tôt, depuis ma chambre j'ai vu le soleil déjà rouge comme sang, qui éclairait tout neuf, tout matador, l'autre bord de la Martinique. Derrière la mer, derrière les halliers, derrière les champs de canne, derrière un grand désordre de mornes avec, plus haut que tous, la Montagne du Vauclin, pareille à un grand chapeau de gendarme, mais un chapeau satin violet.
Je suis seule dans la galerie, seule avec moi-même. Les grands carreaux blancs font un beau damier quand ils se croisent aux carreaux noirs. La vie est douce. La vie est belle ce matin.

(pour la traduction entière, voir : Ti-man-m-zell-la)
Sur Gilbert Gratiant voir aussi l'étude de Raphaël Confiant

Ti man-m-zell-la

Depuis que je suis petite, j'adore les fleurs. Les fleurs, c'est un jardin que tu portes dans la maison. J'ai entièrement garni la suspension de stéphanotis, regarde comme c'est beau : trois clochettes d'hibiscus qui se balancent au vent comme des petits grelots de fous, mêlés aux guirlandes de l'herbe d'argent.
Ce matin levée tôt, depuis ma chambre j'ai vu le soleil déjà rouge comme sang, qui éclairait tout neuf, tout matador, l'autre bord de la Martinique. Derrière la mer, derrière les halliers, derrière les champs de canne, derrière un grand désordre de mornes avec, plus haut que tous, la Montagne du Vauclin, pareille à un grand chapeau de gendarme, mais un chapeau satin violet.
Je suis seule dans la galerie, seule avec moi-même. Les grands carreaux blancs font un beau damier quand ils se croisent aux carreaux noirs. La vie est douce. La vie est belle ce matin.
Les colibris sont en suspens au-dessus du jasmin d'Arabie, j'entends un piano, loin dans une villa, tout doux, tout faible, on dirait un "Bel-Air", on dirait une romance, une chanson d'autrefois...
Dans la rivière l'eau claire coule sur les pierres, je viens de m'y baigner sous une touffe de bambou, tout le monde est parti, je suis seule avec moi-même, me balançant dans la berceuse (rocking-chair), c'est plaisir d'innocence. Maintenant je songe à celui qui me désirait après le bal, celui qui m'a embrassée hier au soir.
Un vent frais se lève, il vient de la mer. A force de jouer dans les feuilles il a appris leur chanson, il est passé dans la savane, a pris l'odeur de goyave. Depuis le bas du morne il a senti ma présence, il a joué au pied d'un seringa pour me couvrir de mon parfum préféré, la fenêtre est grande ouverte, petit vent chéri viens me dire bonjour. Tu es un amoureux sans jalousie, tu peux me caresser, j'ai une chemise de batiste, dans les boucles de mes cheveux défaits, viens jouer. Ta main est presque aussi douce que la main du souvenir, je crois bien que tu connais déjà tous mes secrets, depuis le temps que nous parlons ensemble, depuis le temps que tu dors près de moi, quand j'ai trop chaud et qu'une chemise à jours n'est pas même assez légère. Avant de partir s'il te plaît, mets un petit brin de fraîcheur dans la maison, et en passant frôle le marbre sur lequel Florence a posé, devant la fenêtre pleine de soleil et pleine d'ombrage, trois carafes de la Poterie et six verres de cristal. Une branche de bougainvillier de la véranda entre comme un voleur d'amour par la persienne, mais la belle fleur curieuse ne peut rien me prendre. C'est doux quand on peut dire : je n'ai aucune peine, aucune grande peine dans mon cœur, mais je peux juste tenir un petit chagrin dans ma main, comme un oiseau qu'on a pris à la glu et qui veut s'envoler.
Toute la fraîcheur de mon grand bain du matin se balance avec moi dans la berceuse, m'enveloppe, comme la fraîcheur qui se suspend au-dessus d'un sorbet à la pomme de liane. Je chante sans fin une chanson d'enfance, bien que je n'aie plus l'âge où on joue à cache-cache.
Tout le monde dit que je suis belle, même la glace dans ma chambre (près du lit où je suis trop seul les nuits d'orage) est contente, jolie petite demoiselle, quand je lui fais les yeux doux. Je prononce le nom de quelqu'un que je voudrais qui pense à moi. Personne n'entend, mais je sais qu'il doit savoir...
Je lâche ma sandale sur le carreau frais, ma jambe est nue, mon pied nu, mon pied qui se pose, pas assez fort pour blesser un papillon à terre, assez fort pour bercer mon rêve dans la berceuse.

(Gilbert Gratiant a dédié ce poème aux "Capresses droites, cariatides de bronze ; Jolies petites Négresses, souples, rieuses et fermes ; Blanches Créoles, de lis et de langueur ; Chabines provocantes ; Indiennes-Hindoues délicates et fines ; et Mulâtresses aux longues tresses et aux yeux de sombre douceur qui les résument toutes dans la grâce et le vouloir séduire ; à toutes celles qui, entre Grand'Rivière et la Pointe des Salines, ont une fois tenu entre leurs paumes le tremblant oiseau des menus chagrins."