J'aime le gland, l'arbre ouvert, la plante qui pousse. J'aime les graines minuscules, soigneusement sélectionnées, triées, qu'on enferme dans des petits trous de terre. J'aime ce qui vit et qui veut vivre encore, et qui pousse, qui cogne, qui s'entête, qui transperce, qui s'élève. J'aime les plantes, silencieuses. J'aime mon nom, j'aime qu'on m'appelle, qu'on me nomme : ANNA.
C'est silencieux, ANNA. C'est rond, fermé. C'est inviolable. ANNA. Prénom mystérieux, tu es le mien. J'aime être toi. Je deviens ton mystère, je me sens protégée par toi. D'ailleurs tu es la chose première que j'ai su dire. Avant maman. Avant papa, que je n'ai jamais dit, sauf pour moi toute seule le soir dans mon lit. C'est pour toi, mon père, que j'écris aujourd'hui. C'est à toi. Pourquoi a-t-il fallu que j'aime celui qui m'abandonne...
Martine Magris. Anna ou la première œuvre, © Gaspard Nocturne, 2003
Le bonheur d'identité, comme le désir de vivre, semblent s'inscrire immédiatement dans ce prénom, ANNA, palindrome marqué de complétude, plein du mystère de la scène d'origine, cachée dans la métaphore de la poussée de vie. Il est aussi, ce pré-nom, le nom qui précède les autres (ceux de la mère et du père).
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